Des milliers de condos ne pourront plus être loués à cause des assurances

Publié pour le Journal de Montréal - 18 juin 2025 - On peut lire le texte ici

En pleine crise du logement, de nombreux immeubles en copropriété vont restreindre la location de condos parce que les coûts d’assurance explosent.

Le problème vient du fait que s’il survient un sinistre, le cadre juridique québécois fait en sorte qu’il est compliqué de récupérer la franchise auprès du copropriétaire ou du locataire de l’unité. Résultat: dans de nombreux cas, ce sont tous les copropriétaires qui paient. Et la facture est souvent salée!

Dans certaines copropriétés de grande taille, la franchise peut aller de 2 à 5 millions $. C’est la somme qui ne sera pas couverte par l’assureur. Si un tuyau éclate au 21e étage, attachez votre portefeuille avec de la broche.

«Récemment, l’assureur a refusé d’indemniser des travaux de 161 000$ dans un immeuble de 261 unités: les copropriétaires ont chacun dû payer 616$», révèle William Subrani, directeur, développement des affaires chez Sentinel Gestion Immobilière, qui chapeaute 4000 unités.

«Dans la dernière année, les sinistres ont totalisé plusieurs millions de dollars, reprend-il. Entre 15% et 20% sont liés aux locataires, que l’assureur refuse d’indemniser totalement ou partiellement.» 

Entre 30% et 50% de locataires se trouvent dans les copropriétés administrées par Sentinel, une situation courante en copropriété.

M. Subrani a déjà vu des cotisations spéciales de 15 000$ par copropriétaire.

Pas simple

Lorsque survient un sinistre, l’assureur paie pour les travaux, tant pour les aires communes que pour les aires privées, mais le syndicat doit assumer la franchise. Cette dernière est couverte par le fonds d’autoassurance de l’immeuble, qui est alimenté par les frais de copropriété.

Mais si l’assureur refuse de payer intégralement, c’est le syndicat de copropriété qui assume tous les coûts, pour des travaux habituellement réalisés en urgence, dont la presque totalité sont des dégâts d'eau.

Mais deux décisions récentes des tribunaux empêchent le syndicat de poursuivre un copropriétaire, même si la faute revient à son locataire. Le syndicat doit alors poursuivre directement le locataire pour récupérer l’argent.

Cachotteries

«En réalité, nombre de locataires ne sont pas assurés ou disparaissent dans la nature, constate Yves Joli-Coeur, avocat spécialisé en copropriété. Normalement, un copropriétaire a 15 jours pour déclarer au syndicat qu’il a loué son unité. Mais nombre de copropriétaires ne le font pas.»

«Certains locataires prennent une assurance habitation et l’annulent en cours de route, ajoute M. Subrani. Et quand des gestionnaires font des démarches pour retrouver un locataire, ces heures sont facturées au syndicat. Tous les copropriétaires assument ces frais.»

Pour M. Subrani, ce problème est devenu un fléau coûteux. La plupart du temps, les sommes d’argent ne sont jamais récupérées.

Les syndicats doivent donc responsabiliser les copropriétaires, selon le Bureau d’assurance du Canada.

«Dans la vraie vie, les administrateurs des syndicats ont perdu le contrôle de ce qui se passe dans l’immeuble, alors que certains sinistres vident le fonds d’autoassurance», constate Yves Joli-Coeur. En conséquence, nombre de copropriétés vont interdire la location purement et simplement.

Le bureau du ministre des Finances du Québec, de qui relève la réglementation dans ce domaine, n’a pas souhaité commenter la situation.

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